Après le putsch : crise humanitaire et déplacements au Burkina Faso
Résumé
Le Burkina Faso est maintenant à l’épicentre des crises humanitaires et de déplacement qui se détériorent rapidement au centre du Sahel. Les affrontements entre les groupes armés, dont plusieurs sont affiliés à l’État islamique ou à al-Qaida, et les forces nationales de sécurité, ainsi que les attaques contre des civils perpétrées par toutes les parties en cause continuent de causer de grands déplacements et créent des besoins humanitaires massifs.
Depuis 2018, de violents affrontements ont provoqué le déplacement interne de plus de 1,8 million de personnes, ce qui représente une augmentation de 62 pour cent au cours de la dernière année. Parmi les 20 millions de citoyens du Burkina Faso, une personne sur cinq a besoin d’assistance d’urgence. Actuellement, plus de 2,8 millions de personnes sont en proie à l’insécurité alimentaire, et ce nombre devrait augmenter de façon importante au cours des prochains mois, alors que le pays se prépare à une longue saison sèche. Pourtant, la crise humanitaire qui frappe le pays mobilise très peu l’attention internationale.
Les acteurs armés non étatiques, les forces nationales et les combattants volontaires progouvernementaux ont été maintes fois accusés d’avoir commis des atrocités envers des civils, notamment des meurtres, des viols, des actes de torture et des persécutions violentes fondées sur des bases ethniques et religieuses (ciblant principalement la minorité peule musulmane).
En janvier 2022, l’insatisfaction découlant de l’incapacité du gouvernement d’atténuer la menace des groupes armés a incité des soldats mutinés à renverser le président Roch Kaboré. Quelques semaines plus tard, le leader du putsch, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, a été assermenté comme président de transition. Il a annoncé que la transition militaire se poursuivrait jusqu’en mars 2025, puis il a formé un nouveau gouvernement.
La communauté internationale a condamné ce coup d’État. Toutefois, il semble que la plupart des citoyens ont célébré ce changement de leadership ou s’y sont résignés. Le putsch a marqué un recul important pour les institutions démocratiques et de gouvernance déjà perturbées du Burkina Faso. De plus, l’historique de violation des droits de la personne des militaires à l’endroit de citoyens ordinaires soulève de graves préoccupations quant aux incidences du coup d’État sur la protection des civils au cours de la prochaine phase du conflit au pays. Le coup devrait être condamné et des efforts sont requis pour arriver à une gouvernance qui saura mieux refléter les volontés des citoyens et leur assurer une protection adéquate.
Toutefois, dans l’immédiat, le changement de gouvernement pourrait être l’occasion de s’occuper de la crise humanitaire. On a ressenti un optimisme prudent face à l’engagement du président transitoire de régler la crise et à la nomination du nouveau ministre des Affaires humanitaires Lazare Windlassida Zoungrana. Ce dernier a été secrétaire général de la Croix-Rouge burkinabè et il est reconnu comme un farouche partisan de l’action humanitaire.
L’intervention immédiate de la diplomatie internationale et des donateurs est nécessaire pour atténuer les conséquences de la crise qui s’aggrave et pour inciter le nouveau gouvernement à mieux protéger les civils burkinabè et subvenir à leurs besoins. Un indicateur de succès utile résidera dans l’observance par le gouvernement des articles de la Convention de Kampala de l’Union africaine, une entente panafricaine sur l’obligation des États de respecter les droits des personnes déplacées internes (PDI). Le Burkina Faso a ratifié la convention, mais ne l’a pas encore mise en œuvre.
Malheureusement, l’intervention des donateurs n’a pas réussi à relever les défis humanitaires. L’invasion de l’Ukraine par la Russie va sans doute aggraver l’insuffisance du financement fourni par les donateurs et accentuer l’insécurité alimentaire dans l’ensemble du Sahel. Une préoccupation majeure provient du risque que le soutien financier soit détourné des crises actuelles, comme celle du Burkina Faso, pour viser plutôt la crise en Ukraine. En outre, plus du tiers des céréales du Burkina Faso sont importées de Russie et d’Ukraine, et plusieurs analystes craignent une pénurie mondiale et une augmentation importante des prix de base des céréales. Devant cette réalité, les organisations d’aide doivent se préparer à rehausser l’efficacité de leurs efforts en améliorant la recherche, la planification et la coordination.
Pour éviter le pire, le gouvernement de transition et les donateurs doivent appuyer et renforcer le travail des agences humanitaires des Nations Unies et des organisations non gouvernementales nationales et internationales (ONG) pour éviter des lacunes inutiles et dangereuses dans la réponse humanitaire.
Recommandations
Le gouvernement du Burkina Faso doit :
- Mettre fin aux violations des lois internationales sur les droits de la personne et l’action l’humanitaire. Les autorités nationales doivent dénoncer les abus et enquêter de façon transparente sur les allégations de violation des droits humains internationaux et des lois humanitaires par les membres de ses forces militaires et policières et par les combattants volontaires assistés par l’État.
- Cesser les attaques ciblées des forces nationales de sécurité à l’endroit de la communauté peule du pays. Des années de négligence du gouvernement à l’égard des membres de cette minorité les ont rendus vulnérables au recrutement par les groupes armés qui exploitent leurs doléances. Les forces gouvernementales ont attaqué sans discrimination les communautés civiles peules, les faisant à tort paraître comme des extrémistes. Les attaques contre ces communautés doivent cesser.
- Respecter ses obligations en vertu de la Convention de Kampala de l’Union africaine. Le Burkina Faso n’a pas respecté les principes et les exigences de la Convention, principal cadre juridique du continent pour la protection des PDI, bien qu’il ait ratifié cette convention. Le nouveau ministre des Affaires humanitaires, Lazare Windlassida Zoungrana, devrait être chargé de mettre en œuvre les modalités de la Convention de Kampala. À cette fin, le Burkina Faso doit garantir un accès humanitaire sans restriction et permettre aux groupes d’aide d’adhérer aux principes humanitaires. Le gouvernement de transition doit aussi reconnaître la présence de personnes déplacées à Ouagadougou et leur porter assistance, permettre aux PDI de recevoir de l’aide avant leur inscription, et faire en sorte que les opérations militaires ne contribuent pas inutilement aux déplacements.
Les agences de l’ONU et les organisations humanitaires doivent :
- Intervenir auprès des autorités et faire pression pour qu’elles améliorent la protection et la prestation de services de base aux citoyens burkinabè, et qu’elles garantissent l’accès humanitaire à cette fin.
- Recueillir des renseignements plus détaillés sur les facteurs répulsifs et attractifs liés aux déplacements. Cette information aide les acteurs humanitaires à comprendre les raisons des déplacements, prévoir les tendances et planifier les programmes. L’information pourrait être recueillie au moyen de mécanismes existants de collecte de données et disséminée au moyen de plateformes comme le Mécanisme de réponse rapide (MRR).
- Faire en sorte que les responsables et coresponsables sectoriels approfondissent leur analyse de la situation humanitaire. Il faut des évaluations plus complètes des besoins, des tendances et des lacunes critiques par secteur pour permettre une meilleure réponse aux besoins et réduire les chevauchements de programmes.
- Effectuer de fréquentes enquêtes sur les intentions des communautés déplacées. La collecte et le partage de ces données permettront aux organisations de savoir si les PDI souhaitent retourner dans leurs régions d’origine, si les conditions de sécurité le permettent, ou si elles préfèrent s’intégrer localement ou se relocaliser pour régler à long terme leur situation de déplacement.
Les donateurs gouvernementaux doivent :
- Accentuer, ou au moins maintenir les niveaux actuels de financement de l’aide. Malgré la concurrence dans la recherche de financement, les donateurs ne doivent pas se désengager, car la situation humanitaire au Burkina Faso continue de s’aggraver.
- Intervenir rapidement en finançant l’assistance alimentaire. La sécurité alimentaire va rapidement se détériorer au cours des semaines et des mois qui viennent, et les donateurs doivent agir rapidement en fournissant les ressources nécessaires aux groupes d’aide pour atténuer les conséquences des pénuries nationales d’aliments.
- Soutenir la localisation des interventions. Le dialogue entre les ONG nationales, les donateurs et les agences d’aide internationales peut aider les groupes locaux à comprendre les normes des donateurs, de façon à jouer un rôle plus actif dans la réponse. Les partenaires internationaux devraient soutenir leurs efforts de renforcement des capacités en vue de satisfaire ces normes.
Aperçu de la recherche
Une équipe de Refugees International s’est rendue au Burkina Faso en février et mars 2022 pour évaluer les conséquences du récent coup d’État sur la crise humanitaire et mesurer l’efficacité de l’aide. Les membres de l’équipe ont réalisé des entrevues avec des représentants des agences d’aide de l’ONU, des ambassades étrangères et des organisations non gouvernementales locales et internationales.
Contexte
Depuis le début de la crise sécuritaire au Burkina Faso en 2018, les problèmes humanitaires du pays n’ont cessé de s’aggraver. La violence, la situation de besoin et les déplacements touchent toutes les régions administratives du pays. Lors de la précédente mission de Refugees International dans ce pays en septembre 2019, 289 000 Burkinabè avaient été déplacés en raison de la violence. Les derniers chiffres situent ce nombre à 1,8 million de personnes forcées de fuir leurs domiciles, tandis que 3,5 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire.
Le Burkina Faso était autrefois connu pour la coexistence pacifique entre groupes ethniques, religieux et linguistiques, mais l’éviction de l’ancien président Blaise Compaoré en 2014 a créé un vide de pouvoir qui a déstabilisé le pays. Bien que le président Roch Marc Christian Kaboré ait été élu démocratiquement en 2015, l’insécurité s’est aggravée. Cela a permis à des groupes militants comme Ansarul Islam d’apparaître et à des branches du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et de l’État islamique dans le Grand Sahara d’étendre leurs actions aux pays voisins, le Mali et le Niger. En 2018, l’instabilité a commencé à causer de vastes déplacements et plongé le pays dans une crise humanitaire.
Des factions rebelles, des groupes d’autodéfense soutenus par l’État et les forces nationales ont attaqué et pillé des villages. Les groupes rebelles continuent d’endommager ou de détruire systématiquement les infrastructures de santé et d’éducation, utilisant des engins explosifs artisanaux et exécutant les personnes soupçonnées d’appuyer le gouvernement. Le paysage de sécurité s’est compliqué en janvier 2020, quand le parlement national a adopté la loi des « Volontaires pour la défense de la patrie » pour soutenir les milliers de groupes locaux d’autodéfense créés durant la crise. Ce programme offre aux combattants volontaires une brève formation de deux semaines, après quoi on leur fournit des appareils de communication et des armes pour combattre les factions armées dans leurs régions d’origine.
Comme il est précisé dans le dernier rapport de Refugees International sur le Burkina Faso, les civils subissent des atrocités infligées non seulement par des acteurs armés non étatiques, mais aussi par les forces nationales et les combattants volontaires progouvernementaux. Les atrocités signalées commises par toutes les parties au conflit incluent les meurtres, les viols, la torture et les persécutions violentes basées sur l’ethnie ou la religion. Les communautés peules musulmanes sont visées de façon disproportionnée par les parties en cause. Ce groupe ethnique musulman, présent dans toute l’Afrique, constitue un groupe minoritaire au Burkina Faso et il a longtemps été exclu du pouvoir et négligé par le gouvernement. Ces gens vivent le long de la frontière nord séparant le pays du Mali et du Niger, le centre de la violente crise. Les groupes extrémistes recrutent en nombre disproportionné des jeunes hommes peuls, exploitant l’absence de perspective économique et de services gouvernementaux dans leurs communautés, et les incitant à joindre leurs rangs. Par conséquent, une perception erronée s’est imposée voulant que les civils peuls soient responsables de plusieurs attaques terroristes. Cela les a rendus vulnérables aux attaques des forces étatiques. Mais de la même façon, les groupes armés attaquent les communautés peules lorsque ces dernières ne soutiennent pas les rebelles.
Tandis que le gouvernement s’efforçait depuis deux ans d’endiguer la violence et de répondre aux besoins humanitaires qui s’accumulaient, l’ancien président Roch Kaboré a censuré les journalistes, restreint l’accès aux camps de déplacés et entravé les efforts humanitaires en intimidant et en suspendant les groupes d’aide. La frustration face aux actions gouvernementales a commencé à se faire sentir. Des citoyens ont critiqué le gouvernement pour n’avoir pas agi de façon plus forte contre les groupes armés. D’autres ont dénoncé la détérioration des normes et des institutions démocratiques, de même que les violations répétées des droits de la personne. Plusieurs sont descendus dans la rue pour manifester leur frustration, et le gouvernement a réagi en interdisant les manifestations antigouvernementales. Deux jours plus tard, le 23 janvier 2022, un groupe de soldats mutinés a capturé le président et l’a forcé à démissionner le jour suivant. Au moment d’écrire ces lignes, Kaboré était toujours détenu par l’armée.
Le 16 février 2022, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui a dirigé le putsch, a été assermenté comme président. Il a par la suite annoncé que la transition vers un gouvernement civil surviendrait 36 mois plus tard (mars 2025). À la fin de février, il a présenté les membres de son nouveau gouvernement. La nomination de Lazare Windlassida Zoungrana, ancien secrétaire général de la Croix‑Rouge burkinabè, au poste de ministre des Affaires humanitaires a suscité un optimisme prudent, laissant entrevoir que la relation tendue entre le gouvernement et les groupes d’aide pourrait être chose du passé.
Les réactions à la prise de pouvoir des militaires ont été variées. Les intervenants internationaux, comme l’Union africaine, les Nations Unies et les gouvernements français et américain se sont publiquement opposés au coup d’État. Pour sa part, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a vigoureusement condamné le putsch et annoncé que des sanctions économiques seraient imposées si le gouvernement civil n’était pas rétabli d’ici le 25 avril 2022. Ces sanctions pourraient affecter l’économie du pays et sa capacité d’importer des stocks de nourriture, ce qui aggraverait la crise humanitaire déjà grave du pays.
Les perceptions sur le terrain ont été bien différentes. Bien que les Burkinabè partisans du putsch soient descendus dans les rues de Ouagadougou pour manifester leur soutien, les zones au-delà de la capitale, notamment celles touchées par le conflit et les violences perpétrées par les forces étatiques, ont accueilli le changement moins favorablement. Comme l’a expliqué un travailleur humanitaire peul, « maintenant, ceux qui attaquent mon peuple impunément sont encore plus libres de le faire ». Bien que plusieurs Burkinabè n’approuvent pas ou ne soutiennent pas le coup d’État, la plupart semblent avoir accepté à contrecœur le nouveau gouvernement.
Bien qu’il soit trop tôt pour savoir si le changement de gouvernement amènera une approche plus positive de la situation humanitaire de la part des dirigeants, la sécurité a continué de se dégrader et les crises humanitaires se sont aggravées. Selon les travailleurs humanitaires, les incidents de sécurité ont augmenté de façon radicale au cours des derniers mois de 2021 et au début de 2022. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), le nombre d’incidents de sécurité a augmenté de 11 pour cent en février 2022, par rapport au mois précédent.
Le personnel humanitaire explique que les groupes rebelles ont réagi à la prise de pouvoir des militaires en augmentant les attaques sur des cibles militaires et civiles. Les groupes armés ont détruit des points d’eau, des tours de téléphonie cellulaire et des installations électriques. Ils ont encerclé des villes dans le nord-est du pays et imposé des blocus. Ce fut le cas à Djibo et Titao, empêchant la circulation des personnes et des biens essentiels vers ces endroits. L’utilisation d’engins explosifs par des groupes d’insurgés a aussi augmenté et on estime qu’ils ont fait plus de 300 victimes.
Le nouveau régime a signalé son intention d’accroître les opérations de sécurité. Étant donné l’historique des forces armées de mépris des civils et des droits de la personne, une nouvelle ronde d’opérations militaires pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur la protection des civils et les besoins humanitaires en général. Le dirigeant d’une ONG a confié ce qui suit à l’équipe de Refugees International : « Centrer toute l’attention sur la sécurité ne fonctionnera pas ». Le gouvernement de transition doit tout à la fois améliorer la gouvernance, protéger la population et subvenir à ses besoins, et permettre aux groupes d’aide de combler les lacunes critiques dans la prestation de services de base.
La crise humanitaire
Le pays est aux prises avec la pire crise de protection de la région. Les civils sont menacés de violations, notamment la violence physique, la torture, la violence basée sur le genre, les arrestations et la détention arbitraires, et les restrictions de la liberté de mouvement. La tendance des déplacements au Burkina Faso est unique par le fait que la plupart des PDI déclarent s’être enfuis seulement lorsqu’ils étaient soumis à un danger immédiat, et non en prévision de la violence. Un sondage REACH a fait ressortir que dans la région du Sahel du Burkina Faso1, la plus affectée des régions administratives du pays, 91 pour cent des PDI ont indiqué que la violence directe était la principale raison de leur déplacement.
Les groupes d’aide s’efforcent de répondre aux besoins toujours croissants des civils. Un travailleur humanitaire a déploré que la communauté internationale « glorifie le fait que les PDI sont bien accueillies par les communautés hôtes ; or nous devrions être gênés que les PDI doivent trouver de l’aide parmi des communautés hôtes qui peinent, elles aussi, à satisfaire leurs besoins de base ». Le travailleur humanitaire a expliqué que « c’est un signe de l’échec de la réponse humanitaire » lorsque les déplacés ne peuvent compter sur le gouvernement ou sur la communauté d’aide, et que ni eux ni les communautés qui les reçoivent n’obtiennent l’assistance nécessaire.
La détérioration de l’environnement sécuritaire limite l’accès humanitaire aux endroits où il est le plus nécessaire. Il est incroyablement difficile d’obtenir l’accès et les négociations pour y parvenir nécessitent des efforts intensifs. Les travailleurs humanitaires dont Refugees International a recueilli les témoignages ont expliqué qu’ils doivent régulièrement négocier l’accès chaque fois qu’ils veulent accéder à un endroit particulier. Le paysage sécuritaire dynamique et le récent changement de gouvernement font en sorte que les travailleurs humanitaires doivent constamment établir des liens avec de nouveaux interlocuteurs pour accéder aux communautés. Même lorsqu’on leur accorde l’accès, les groupes d’aide sont l’objet de menaces, de vols, d’enlèvements ou d’attaques violentes. Un travailleur humanitaire a confié à l’équipe de Refugees International que la fréquence de ces incidents avait augmenté durant l’année 2021.
Comme l’a expliqué un donateur à l’équipe de Refugees International, « il s’agit d’une crise de protection qui n’a été qu’aggravée par la réponse musclée du gouvernement précédent ». Le nouveau régime aura beaucoup à faire pour répondre aux besoins les plus pressants. Au début de mars 2022, 3683 écoles avaient dû fermer leurs portes en raison de l’insécurité. Près de 600 000 enfants sont privés de l’accès à l’école. Et à la fin de février 2022, 160 centres de santé étaient fermés. Les PDI et les populations hôtes continuent de payer le prix élevé de la violence. Moins de la moitié de ceux qui reçoivent de l’aide humanitaire disent que l’aide arrive au moment opportun.
Insécurité alimentaire
Au cours des dernières années, le conflit violent, la rareté des ressources, la COVID‑19 et les sécheresses ont aggravé l’insécurité alimentaire. Actuellement, 2,8 millions de personnes, plus de 10 pour cent de la population, souffrent d’insécurité alimentaire au Burkina Faso. Et ce nombre devrait s’accroître substantiellement au cours des prochains mois. Bien que la saison creuse s’étende généralement de juin à août, on s’attend à ce qu’elle débute en avril 2022. Cette saison sèche prolongée, ajoutée à l’augmentation de la violence, va réduire la disponibilité de nourriture pour des millions de gens. Cela ne pourra qu’accroître le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire dans la région. Actuellement, on estime à 323 000 le nombre de personnes qui se trouvent en phase 4 de l’IPC (phase critique), soit une phase sous la famine selon le cadre intégré de classification du Système d’alerte rapide aux risques de famine. D’ici l’été 2022, ce nombre devrait doubler, atteignant plus de 628 000 personnes à la phase 4 de l’IPC. Une intervention immédiate est requise, et comme l’a indiqué à Refugees International un travail humanitaire international, « une aide financière pour la sécurité alimentaire versée en mai arrivera trop tard ».
Les troublantes tendances d’insécurité alimentaire vont sans doute s’aggraver en raison du conflit entre la Russie et l’Ukraine. La Russie est le plus important exportateur de blé au monde, le blé étant la deuxième céréale la plus produite dans le monde. La Russie et l’Ukraine exportent plus du quart de la consommation mondiale de blé et plus de 30 pour cent du blé importé au Burkina Faso provient de ces deux pays. Comme les exportations de céréales vont diminuer au cours des prochaines semaines, une pénurie mondiale est à prévoir et le prix de base des céréales va augmenter nettement.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a subi déjà une augmentation à l’échelle planétaire des coûts de fonctionnement et d’approvisionnement de 42 millions $ par mois en raison de l’inflation. Le PAM estime maintenant que le conflit entre la Russie et l’Ukraine entraînera des coûts additionnels de 29 millions $ par mois. À l’échelle mondiale, cela va accroître radicalement les besoins en fonds pour pallier l’insécurité alimentaire. En 2021, les efforts humanitaires dirigés vers l’insécurité alimentaire ne recevaient qu’un peu plus de 30 pour cent des fonds nécessaires. Le coût croissant des céréales fera en sorte que les groupes d’aide auront besoin de plus de fonds pour fournir moins d’approvisionnement. Au Burkina Faso, cela limitera encore plus la disponibilité des céréales, causera de l’inflation et entraînera des tensions intercommunautaires en raison de la rareté de la nourriture.
Opérationnaliser la Convention de Kampala
Le 1er mars 2022, le président de transition Damiba a signé et adopté une nouvelle charte de transition pour son gouvernement. La charte énumère les principales missions du nouveau régime, notamment « apporter une réponse efficace et urgente à la crise humanitaire et aux drames socioéconomiques et communautaires provoqués par l’insécurité ». Un travailleur humanitaire a expliqué à l’équipe de Refugees International que le Burkina Faso est la scène de « souffrances humaines massives et que cela ne va pas s’améliorer sans des changements radicaux, étant donné la rapide croissance de population [du pays] et la faiblesse du gouvernement ». Toutefois, cet engagement à prioriser la réponse humanitaire crée une ouverture qui permet à la communauté internationale et aux groupes d’aide de faire pression sur le gouvernement pour qu’il améliore la prestation de services et les relations avec les groupes d’aide.
La Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (appelée Convention de Kampala), le principal cadre juridique pour la protection de PDI sur le continent, devrait servir de feuille de route pour la mise en œuvre rapide de ces améliorations. La Convention de Kampala a établi parmi les États de l’Union africaine une vision commune du cadre juridique nécessaire pour la protection et l’assistance aux PDI. Elle énonce les obligations des États concernant les déplacements et demande aux gouvernements d’adopter des mesures visant à prévenir et faire cesser les déplacements internes. La Convention est une étape historique en ce qu’elle est le seul instrument légalement contraignant pour la protection et l’assistance aux PDI.
En 2009, le gouvernement du Burkina Faso a ratifié la Convention, mais les gouvernements des présidents Compaoré et Kaboré ont fait très peu pour la mettre en œuvre. L’inaction de ce dernier a été particulièrement problématique puisque la crise de déplacement est survenue durant ses années de pouvoir. Plutôt que de respecter les dispositions de la Convention, le gouvernement de Kaboré les a violées à répétition.
1) Refus de garantir l’accès sans restriction et de permettre aux groupes d’aide de suivre les principes humanitaires énoncés dans la Convention de Kampala
Les groupes d’aide locaux et internationaux ont indiqué qu’au cours des dernières années, les autorités nationales (fonctionnaires et forces de sécurité) et les groupes d’autodéfense soutenus par le gouvernement ont entravé l’accès humanitaire aux zones où les groupes armés étaient présents ou exercé un contrôle du territoire. Dans certains cas, le gouvernement et ses alliés ont même accusé les groupes d’aide de soutenir les factions rebelles au moyen des livraisons humanitaires. Plusieurs ONG ont révélé à Refugees International que cela s’était produit dans le cadre de leurs efforts pour répondre aux besoins de la ville de Djibo. Cette grande ville du nord du pays souffre de graves besoins humanitaires en raison des sièges répétés imposés par les groupes armés, mais les groupes d’aide ont signalé que les autorités gouvernementales empêchent aussi l’aide de parvenir dans la ville et de rejoindre les communautés dans le besoin.
Les opérations de secours sont enracinées dans les principes humanitaires de base, soit l’humanité, la neutralité, l’impartialité et l’indépendance. Dans le respect de ces principes, les organisations doivent intervenir auprès des populations dans le besoin, peu importe que ces dernières se trouvent ou non dans des zones contrôlées par le gouvernement. Le refus du gouvernement précédent de respecter ces principes a entraîné de graves problèmes. Un changement de direction permettrait au gouvernement burkinabè de s’acquitter de ses responsabilités d’autoriser « le passage rapide et libre de toutes les opérations, tous les équipements et de tout le personnel de secours au bénéfice des personnes déplacées » et de soutenir et assurer « le respect des principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance des organisations humanitaires », en vertu des paragraphes (7) et (8) de l’article V de la Convention.
2) Refus de reconnaître et d’assister les personnes déplacées à Ouagadougou
Le décompte officiel du gouvernement des PDI dans la région Centre, où se trouve la capitale du pays, Ouagadougou, évalue à 1051 le nombre de personnes cherchant refuge dans cette ville. Toutefois, de nombreuses ONG ont signalé à l’équipe de Refugees International que le nombre total de personnes déplacées dans la capitale pourrait atteindre 25 000, et que la plupart sont dans l’impossibilité d’obtenir des services de base comme les services de santé et d’éducation. Sous le gouvernement précédent, de grands efforts ont été déployés pour nier leur présence, et même empêcher les PDI d’arriver à la capitale (voir le document en annexe). Un donateur international a déclaré à Refugees International que « le déni gouvernemental n’est pas qu’une posture politique, mais qu’il s’agit aussi d’empêcher les PDI de rivaliser avec les habitants locaux pour l’obtention des services gouvernementaux limités ». Le nouveau gouvernement devrait reconnaître cette réalité en cessant de nier la présence des PDI dans la capitale et en permettant qu’on les dénombre officiellement et qu’on les inscrive. Les groupes d’aide pourraient alors fournir de l’assistance à ces communautés.
Ce déni constant contrevient aux dispositions de la Convention de Kampala, qui stipule, à l’article IX (2, b), que les États parties doivent « fournir aux personnes déplacées, dans la plus large mesure possible et dans les plus brefs délais, l’assistance humanitaire adéquate, notamment l’alimentation, l’eau, l’abri, les soins médicaux et autres services de santé, l’assainissement, l’éducation, et tous autres services sociaux nécessaires ». Si le gouvernement n’est pas en mesure de fournir les services de base à ces populations dans le besoin, il est de toute première importance que le gouvernement reconnaisse publiquement leur présence dans la capitale et permette aux groupes d’aide de leur porter secours.
3) Refus d’accorder aux PDI le droit de recevoir de l’aide avant d’être inscrits
Le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (connu sous l’acronyme CONASUR) a pour tâche de dénombrer et d’inscrire toutes les PDI du pays, avec l’aide et le soutien de l’Agence pour les réfugiés de l’ONU (UNHCR). Il faut abolir immédiatement la politique du gouvernement précédent voulant que seuls les citoyens déplacés inscrits officiellement auprès du CONASUR aient accès à l’aide (distribution alimentaire d’urgence, kit d’abri d’urgence, etc.) Selon des travailleurs humanitaires présents dans le pays, le processus d’inscription peut prendre un mois ou plus. En 2021, Ground Truth Solutions a publié un rapport décrivant l’expérience des Burkinabè déplacés qui avaient reçu de l’assistance humanitaire. Selon leurs constatations, seulement 47 pour cent des participants trouvaient qu’ils avaient reçu de l’aide au moment où ils en avaient le plus besoin. Les groupes d’aide ont expliqué à l’équipe de Refugees International que ce retard est principalement attribuable à cette règle.
Cette lenteur administrative retarde l’accès à l’aide humanitaire pour les personnes nouvellement déplacées, mais en plus, elle contrevient manifestement à l’exigence de la Convention, à savoir que les gouvernements doivent « fournir aux personnes déplacées, dans la plus large mesure possible et dans les plus brefs délais, l’assistance humanitaire adéquate […] ».
Le gouvernement du Burkina Faso doit publiquement permettre aux organisations de fournir l’assistance indispensable avant que les PDI soient officiellement inscrites. Il doit allouer plus de ressources au CONASUR pour lui permettre de réduire les délais dans l’inscription des populations déplacées et élargir son action à l’ensemble du pays, puisque la violence s’intensifie et que la présence des PDI s’accroît dans toutes les régions du Burkina Faso.
4) Attaques contre les civils, provoquant des déplacements massifs
Comme on l’a décrit plus haut, les forces nationales de sécurité du Burkina Faso et leurs alliés volontaires ont été accusés de certaines des attaques les plus meurtrières contre des civils, chacune ayant contribué au déplacement de Burkinabè. Il est alarmant de constater que presque toutes ces attaques sont restées impunies et n’ont pas fait l’objet d’enquêtes. Le rôle du gouvernement, qui provoque des déplacements, est en conflit avec les dispositions de l’article IV (1) de la Convention de Kampala, qui précise que les États doivent « éviter les situations pouvant conduire au déplacement arbitraire de personnes ».
Alors que les opérations militaires ciblant les groupes armés peuvent provoquer des déplacements, il faut cesser de prendre des civils pour cibles. De plus, le gouvernement doit enquêter sur les accusations de violation des lois sur les droits humains et des lois humanitaires internationales par des membres de ses forces de sécurité et des combattants volontaires soutenus par l’État.
Possibilités nouvelles
Il est urgent et important que le gouvernement de transition brise le cycle de non‑respect de la Convention de Kampala et adhère à ses dispositions. Non seulement cela va lui permettre de mieux protéger les personnes déplacées internes, mais en plus, cela aidera à instaurer un climat de confiance au sein de la communauté internationale à un moment crucial de la crise humanitaire du pays.
Le 1er mars 2022, les nouveaux ministres du gouvernement ont été désignés. De toutes ces nouvelles nominations, celle de Lazare Windlassida Zoungrana au poste de ministre des Affaires humanitaires est un motif d’espoir. Le ministre Zoungrana a auparavant occupé le poste de secrétaire général de la Croix-Rouge burkinabè et il est très respecté. Il possède une vaste expérience des lois humanitaires internationales et des principes humanitaires. Le président de transition devrait charger le ministre Zoungrana d’opérationnaliser la Convention de Kampala au Burkina Faso.
Mise en œuvre de mesures plus efficaces
La réponse humanitaire internationale a été considérablement renforcée depuis la dernière visite de Refugees International au Burkina Faso vers la fin de 2019. OCHA a accentué son empreinte dans les régions affectées pour coordonner les secours, et le système de Clusters (groupes sectoriels), c’est-à-dire la structure responsable de coordonner les organisations d’aide par secteur de réponse, a aussi été adopté. Malgré ces améliorations, il reste beaucoup à faire pour optimiser la réponse et la coordination.
Un sondage auprès des bénéficiaires d’aide mené par Ground Truth Solutions a révélé que seulement 35 pour cent des personnes interrogées trouvaient que l’aide reçue répondait à leurs besoins de base. Ce faible chiffre peut s’expliquer, en partie, par le soutien limité de la part des donateurs, tel qu’expliqué plus haut. Mais les groupes d’aide doivent faire davantage pour améliorer leurs contributions. Un représentant des donateurs a déploré le fait que selon eux, les groupes d’aide, tant les agences de l’ONU que les ONG, étaient trop prudents et que leur trop faible tolérance au risque se reflétait dans leur programmation et leurs démarches auprès des gouvernements. Plusieurs donateurs et une ONG internationale ont déploré que plusieurs autres groupes soient réticents à sortir de la capitale et ils ont souligné l’importance de le faire pour partager leur expertise avec le personnel présent dans les régions affectées.
Les donateurs et les groupes d’aide ont expliqué qu’une façon clé d’améliorer la réponse serait d’améliorer l’information sur les tendances de déplacement, les besoins humanitaires et les lacunes dans l’aide fournie. D’abord, les organisations ont expliqué qu’il y avait un manque de données sur les facteurs répulsifs et attractifs des déplacements chez les gens nouvellement déplacés, c’est-à-dire les raisons qui font que les gens fuient leurs régions d’origine ou les endroits où ils se trouvent, et ce qui explique le choix de leur destination actuelle. Il faudrait aussi des données sur les personnes qui ont été déplacées plusieurs fois. Toute cette information pourrait être recueillie dans le cadre des projets existants de collecte de données, comme le Mécanisme de réponse rapide (MRR), dirigé conjointement par Action contre la faim, Solidarités International, Humanity & Inclusion, et le Conseil danois pour les réfugiés, qui surveille les déplacements et les programmes humanitaires.
On manque aussi d’information sur les intentions des populations déplacées durant des périodes plus longues. La collecte et le partage de cette information permettront aux organisations de mieux comprendre les plans des PDI en vue d’un retour vers leurs régions d’origine, si les conditions de sécurité le permettent, ou de savoir si ces personnes préfèrent s’intégrer localement ou se relocaliser pour le long terme. Cette information contribuerait à améliorer la planification de la réponse et l’allocation des fonds.
De plus, les travailleurs humanitaires se sont déclarés déçus du manque d’analyse dans les clusters, en particulier au niveau national. Le système de clusters sert à coordonner la réponse humanitaire par secteur d’intervention. Contrairement à l’ensemble de la réponse qui est sous-financée, le système de coordination au Burkina Faso est relativement bien financé par rapport à d’autres crises, ce qui permettrait théoriquement à ceux qui dirigent ou codirigent chaque secteur d’avoir du personnel à temps plein (ce qui n’est pas toujours le cas). Cela devrait permettre aux dirigeants et codirigeants de disposer de plus de temps pour effectuer plus d’analyses des tendances et des carences critiques de la réponse.
Écarts financiers
Selon le service de suivi financier d’OCHA, la réponse humanitaire n’a reçu l’an dernier que 44 pour cent des 607 millions $ nécessaires pour satisfaire les besoins financiers du Plan de réponse humanitaire 2021. Bien que ce financement soit indéniablement trop faible, la répartition de ces fonds soulève d’intéressantes questions sur le rendement. Les niveaux de financement terriblement faibles dans la plupart des domaines d’aide contrastaient avec le montant relativement élevé accordé pour la coordination. Bien que ce chiffre inclue possiblement une partie des fonds à verser aux groupes partenaires, le fait qu’il soit comparativement tellement plus élevé que les secteurs de fourniture d’aide est alarmant. Cette donnée est aussi particulièrement surprenante, sachant que les travailleurs humanitaires des agences onusiennes et des ONG locales et internationales ainsi que les donateurs internationaux déplorent le manque d’analyse de la part d’OCHA et des structures de coordinations spécifiques des secteurs.
Bien que l’ensemble du financement ait augmenté au fil des ans, les montants n’ont pas suivi l’aggravation constante de la crise et l’augmentation du nombre de personnes dans le besoin. Par conséquent, la réponse humanitaire a été sous‑financée année après année. Malgré cette réalité, le Plan de réponse humanitaire 2022 d’OCHA requiert un montant inférieur à celui de 2021, soit 590 millions $. Un employé de l’ONU a expliqué que le plan de réponse est réduit cette année non pas parce qu’il y a moins de personnes dans le besoin, mais parce qu’en raison de l’insuffisance du financement international, ils savent qu’ils ne seront pas en mesure d’aider tous ceux dans le besoin. On a opté plutôt pour un plan réduit et plus adapté, mais ce plan, malheureusement, risque encore d’être terriblement sous-financé.
Alors que l’attention du monde est monopolisée par la crise en Ukraine, et que l’ampleur des besoins atteint des niveaux historiques en Afghanistan, en Éthiopie et ailleurs, le financement de l’aide humanitaire au Burkina Faso va sans doute diminuer. Les ONG dans le pays ont déjà été prévenues par certains donateurs que le financement des opérations de secours pourrait être détourné au profit des efforts pour soulager les conséquences humanitaires de la situation en Ukraine. Bien sûr, les Ukrainiens ont besoin du soutien des donateurs, mais le désengagement vis-à-vis des crises actuelles n’est pas une réponse appropriée. À tout le moins, les donateurs doivent maintenir les niveaux de financement et équilibrer plus équitablement les fonds entre les différents secteurs d’intervention au Burkina Faso. Avec l’insécurité alimentaire qui s’aggrave rapidement, les donateurs doivent intervenir rapidement pour soutenir les efforts d’aide, de façon à atténuer les conséquences d’une pénurie alimentaire nationale.
Mieux localiser la réponse
Un rapport de février 2020 de Refugees International sur les besoins humanitaires au Burkina Faso suggérait que les groupes d’aide et les donateurs forment des partenariats avec les réseaux de la société civile, comptant des centaines d’organisations allant des défenseurs des droits de la personne aux groupes voués au développement, qui intervenaient et interviennent encore pour régler la crise émergente dans leur pays. Depuis lors, les groupes locaux ont joué un rôle de plus en plus important dans la réponse humanitaire. En juin 2021, le Fonds Humanitaire Régional pour l’Afrique de l’ouest et du centre a été créé dans la foulée de la réunion au niveau des directeurs organisée conjointement par OCHA et les gouvernements du Danemark et de l’Allemagne. Le mécanisme de financement, géré par OCHA, rassemble le financement provenant de plusieurs donateurs internationaux pour répondre aux besoins croissants dans la région et il met l’accent sur le soutien des acteurs locaux engagés dans la réponse. À la fin de 2021, le montant réuni atteignait 36 millions $, dont 20 millions $ étaient réservés au financement des efforts humanitaires au Burkina Faso, et cette somme sera déboursée en 2022. Malgré ce changement positif, les groupes burkinabè demeurent une ressource sous-utilisée. Alors que la distribution des fonds se poursuit tout au long de l’année, OCHA et les donateurs doivent mettre la priorité au financement direct des organisations locales, ou demander aux ONG internationales de collaborer davantage avec des partenaires nationaux.
L’équipe de Refugees International a rencontré une douzaine d’organisations nationales dont les représentants ont expliqué que nonobstant cette amélioration, ils devaient toujours lutter pour obtenir du financement international pour leurs activités, bien qu’ils possèdent des connaissances locales plus granulaires et un accès à des populations éloignées. La localisation de la réponse, c’est-à-dire augmenter le financement des groupes locaux et nationaux dans un environnement humanitaire, améliore le rapport coût-efficacité, soutient les économies locales et améliore le caractère « sur mesure » de la planification et de la mise en œuvre de la réponse.
Un membre d’une ONG nationale a expliqué que les demandes de financement « sont souvent rejetées, sous prétexte d’un manque de capacité, mais les donateurs ne nous disent pas quelles capacités devraient être renforcées pour recevoir le financement ». Les organisations burkinabè réclament un dialogue entre leurs employés et les donateurs internationaux. Elles croient qu’en ouvrant des canaux de communication, peut-être en organisant des rencontres trimestrielles, on sensibiliserait les organisations sur les capacités à développer et qu’éventuellement, cela leur permettrait de jouer un rôle plus important dans la réponse. De plus, les donateurs devraient envisager de financer ces efforts de renforcement des capacités, en particulier lorsqu’il s’agit des normes exigées par les donateurs en matière de rapports financiers et d’activité.
Conclusion
L’année qui vient sera difficile pour le Burkina Faso. Alors que le paysage politique demeure incertain, le pays va faire face à une aggravation de la crise humanitaire et de déplacement. Le gouvernement de transition a la responsabilité et protéger ses citoyens et de subvenir à leurs besoins. Un point de départ serait que le gouvernement respecte ses obligations en vertu de la Convention de Kampala. Pour atténuer les conséquences de la situation désastreuse, les donateurs doivent accorder aux groupes d’aide les ressources nécessaires pour réagir à la situation qui empire, et encourager le gouvernement à prendre ses responsabilités et à rendre justice à ses citoyens.
Depuis trop longtemps, la crise n’a pas réussi à obtenir l’attention, les actions ou le financement requis. D’autres crises, notamment avec l’éclatement du conflit et les souffrances humaines en Ukraine, vont continuer de maintenir dans l’ombre la détresse du Burkina Faso. Les donateurs et les agences d’aide ne doivent pas se désengager à ce moment charnière.
Annexe
Ordre de la direction générale de la police nationale de faire rebrousser chemin à tout véhicule transportant des personnes déplacées internes (PDI) en direction de Ouagadougou à compter du 18 janvier 2022.
Endnotes
1. Il s’agit d’une région administrative du Burkina Faso, à ne pas confondre avec la grande région du Sahel qui s’étend en Afrique subsaharienne.
Légende de la photo de bannière : Des femmes préparent du maïs dans le nord du Burkina Faso. Photo de Giles Clarke/UNOCHA via Getty Images.